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Le savon de l'enfer

 

Dans les faubourgs de Bobo-Dioulasso, la capitale économique du Burkina Faso, des femmes fabriquent de façon artisanale, du savon. Leurs matière première, elles la puise dans un lac formé par les déchets rejetés par une usine voisine.

 

Dès huit heures du matin, les savonnières commencent à allumer leur foyer. Celui ci servira pour « cuire » leur préparation. Les fumées noires envahissent l’atmosphère. L’air s’épaissit peu à peu et devient vite irrespirable. Une odeur âcre attaque les bronches. La gorge brûle.

Pour fabriquer leur savon, les femmes traitent à chaud de la matière grasse par la potasse, et font bouillir le tout. C’est dans ce lac, formé par les rejets toxiques d’une huilerie voisine que les savonnières puisent leurs ingrédients. Armés de grandes louches, les burkinabés n’hésitent pas à se plonger jusqu'à la poitrine pour écumer la mare. L’objectif est de récupérer le plus de mousse possible. La substance blanchâtre qui surnage, c’est la potasse. Le tout boue à gros bouillon.

Munies de long bâtons, les femmes remuent sans relâche la préparation. Lorsque la mixture a suffisamment bouilli, elle est versée dans des bassines. Le soleil prends alors le relais. Il assèche l’épaisse pâte qui s’évapore à vue d’œil. Le bloc, dur comme du béton, peut alors être démoulé. L’espèce de gâteau ainsi obtenu va être brisé à l’aide d’un pilon, comme on le ferai avec le mil. Une fois le bloc concassé il suffit de versé un peu d’eau pour obtenir des boulettes. Malaxées entre elles, ces boulettes vont former la boule de savon. Les femmes sculptent ces savons noirs à la chaîne. Déposés en rang d’oignons sur un linge, ils n’ont plus qu’à sécher au soleil. Ensuite, ils seront vendus sur les marchés environnants.

 

Les femmes de Bobo sont fières de leur savon. « Je me lave avec ça depuis toujours et je n’ai jamais eu de problèmes de peau » affirme Sita, une des savonnières.

Le travail de ces femmes est tributaire des caprices de l’usine. Certains jours, le tuyau de rejet ne recrache pas sa substance blanchâtre.

La quête de la potasse n’est pas une partie de plaisir. Près des rives, ou l’on a pieds, les risques sont mineurs. Mais les savonnières doivent aller de plus en plus loin pour récupérer leur matière première. Des barriques rongées et des bassines jonchent le fond du lac. Il est alors fréquent de trébucher, ou de se coincer les pieds dans ces pièges. Le sol de la mare n’est pas uniforme, parfois il se dérobe. Il est déjà arrivé qu’une femme disparaisse dans les entrailles du lac.

La potasse brûle la peau. Pour se protéger les femmes se recouvrent de sacs plastique maintenus par une corde bien serrée. Le tout sous des températures dépassant fréquemment les 40 °C.

Malgré toutes ces conditions extrêmes, les savonnières ont choisi de faire ce travail. Il est plus rentable que de vendre des fruits sur le marché

 

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